Tekyn : la production durable en réponse à la crise du marché de la mode

Hodéfi
5 min readJun 25, 2020

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Hodéfi donne une nouvelle fois la parole aux lauréats! Pour ce nouveau sujet, c’est au tour de Pierre De Chanville et Donatien Mourmant qui ont créé Tekyn, une startup de la fashion tech dont la mission est de développer des technologies digitales et robotiques pour permettre un essor massif de la production textile à la demande.

Donatien (gauche) et Pierre, lauréats Hodéfi 2019.

Quel est pour vous le challenge de l’industrie de la mode aujourd’hui?

La problématique de la production textile, c’est que les achats et productions sont faits très en amont de la période de vente. Du coup, ce qui est produit est complètement décorrélé du besoin réel du client final.

En somme, il y a un problème entre la chaîne de production des vêtements et la demande finale qui n’est pas forcément adaptée, ce qui occasionne donc du gâchis. En termes d’environnement, on arrive à une situation de crise qui montre que l’on a besoin de passer à une production plus responsable et raisonnée.

Ce qu’on souhaite faire à notre échelle, c’est proposer des collections aux clients qui répondent réellement à leur besoin. On ne produit que si le client veut réellement le produit, on ne va pas forcer une collection sans avoir réellement testé la demande du client.

Une supply chain digitalisée ainsi qu’une forte réactivité en termes de production, les fondements de la solution proposée par Tekyn.

Selon vous, comment est-on arrivés à cette “crise” du marché de la mode?

Il y a deux raisons au fait que l’on rencontre une crise :

Une tendance à la déconsommation

Le système historique était centré sur la démocratisation du prêt à porter, la fast fashion… C’était un mouvement énorme qui suivait la tendance de la consommation et il n’y avait pas de problème d’écoulement des stocks.

Aujourd’hui, le client ne met plus le même budget dans le textile qu’avant car d’autres types de dépenses sont arrivées : la part budgétaire allouée au textile a diminué et s’est couplée à une volatilité du client qui est moins attaché aux marques.

Il y a beaucoup d’incertitudes liées au changement du comportement du client. On a plus les mêmes taux d’écoulement et les surstocks augmentent, coûtent plus cher…

Vers la fin des grosses productions standardisées? (Photo by Keagan Henman on Unsplash)

La préoccupation environnementale

Vu que les niveaux de stocks augmentent, il y a une pression environnementale qui met l’accent sur le caractère illogique de faire produire loin, en grandes quantités avec un taux de perte important.

Les deux éléments entrent en confrontation et font qu’on arrive au maximum de ce qu’on est capable de supporter sur le marché de la mode, surtout au regard des changements culturels et sociétaux dans le monde.

Comment les acteurs du marché de la mode se structurent-ils suite à cette crise?

On voit une fracture qui se créée dans l’écosystème. Les marques qui portent des valeurs fortes à travers leurs produits, un message engageant vont être mises en avant. Acheter un vêtement pourrait devenir une forme d’acte militant car les enseignes vont mettre de plus en plus l’accent sur les valeurs véhiculées.

Ces marques qui ont un message fort se portent très bien alors que les marques plus génériques avec des produits uniformes rencontrent de plus fortes difficultés. Leurs produits sont relativement communs et ont plus de difficultés à être mis en avant, d’autant plus qu’ils ne sont pas forcément incarnés par une personnalité, à l’image de certaines marques sur Instagram par exemple.

La “fashion for good” est-elle l’innovation de la mode de demain?

La “fashion for good” est un peu le « new normal » de la mode.

Elle est déjà présente dans les marques qui se lancent. Les marques que nous rencontrons ont toutes une forme de standard d’être éthiques, responsables… La “fashion for good” est un peu le « new normal » de la mode.

La mode devient de plus en plus incarnée et humaine tout en devant de plus en plus digitale. Il y a une connexion communautaire et identitaire qui se fait, par exemple sur Instagram où le perso, les valeurs, l’histoire de la famille se mélangent et racontent une histoire plus large qui dépasse la marque et le simple vêtement. La nouveauté réside plutôt dans cette nouvelle forme de proximité qui se créée : on s’oriente plus vers des micro et nano marques, qui suivent un peu la dynamique des influenceurs. C’est logique également car le marché continue de se fractionner et laisse moins de place aux grandes marques.

Les influenceurs, un levier communautaire pour les petites marques. (Photo by Maddi Bazzocco on Unsplash)

Malheureusement le monde de la mode reste assez réfractaire à l’innovation technologique, qui peut pourtant apporter d’énormes gains en terme d’agilité, d’optimisation de production, et donc de rentabilité financière.

Comment Tekyn se positionne en tant qu’acteur dans cet avenir?

On donne les moyens de séparer la création de la production : une marque peut être créative autant qu’elle le souhaite sans avoir à optimiser ses choix de conception en fonction de l’outil industriel et du budget.

Le fondement de notre système, c’est la connexion avec le client et le fait que la chaîne de valeur soit orientée à 100% vers lui. On est donc tout à fait dans la tendance exprimée précédemment. On ne se positionne pas sur un système de masse mais sur une production sur-mesure.

Là où on se distingue, c’est qu’on donne les moyens de séparer la création de la production : une marque peut être créative autant qu’elle le souhaite sans avoir à optimiser ses choix de conception en fonction de l’outil industriel et du budget.

Tekyn permet également de répondre aux enjeux de « nano-mode » et d’inclusion. Par exemple, on a travaillé sur un programme de robes qui couvrait un très large éventail de tailles qui permet donc de toucher plus de clientes. Idem pour les couleurs, on peut se permettre de proposer une couleur et de ne produire que si cela fonctionne.

Via les technologies, on améliore les processus de production et la corrélation avec les ventes, ce qui fait qu’à un moment on va réduire et rentabiliser les coûts de production en local. Il est simplement plus rentable et écologique de produire moins et mieux, en analysant le coût global d’un vêtement vendu — et non le coût d’un vêtement produit. C’est cette nouvelle équation qui permet à terme une relocalisation de la production.

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Hodéfi

Hodéfi, le partenaire d’amorçage des startups en Hauts-de-France.